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Léocadie Penquer

EricB

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#1
Coup de coeur à ce poème d'une poétesse oubliée dans les brumes d'un passé breton...
J'avais autrefois rendu hommage à la lumineuse Sabine Sicaud.
Aujourd'hui j'aimerais vous faire découvrir ce poème ....dont il faut méditer la chute, à l'heure où le monde s'enfonce dans la matérialité !!!

LE VALLON DE KERSAINT

Le silence est ici solennel et profond
L’homme n’y traîne pas le char des industries La faux n’y fauche pas les herbes des prairies,
Ni les grappes d’or de l’ajonc.

Tout est inculte ici. Le pays est sauvage ;
L’homme y vit d’un rayon de soleil et d’un fruit,
Libre, sans nul désir, sans fatigue, sans bruit. Son horizon c’est son village.

L’enfant court les pieds nus, comme un cheval sans frein,
Sur la montagne ou bien sur le bord de la grève ;
Il chante, il joue, il rit, sans repos et sans trève
Le cœur joyeux et l’œil serein.

Annaïc, la plus pauvre, est pourtant la plus belle
Parmi les beaux enfants de ce pauvre vallon. Elle est vive, légère, ailée... un papillon
N’a pas plus d’ardeur ni plus d’aile.

Elle vient de monter à l’instant le côteau.
La mer est aujourd’hui terrible et mugissante,
Et la corneille étend une aile frémissante
Sur les ruines du château.

Je regarde Annaïc : la riche fleur d’Espagne, La fleur du grenadier, dans toute sa fraicheur, Pâlirait en voyant Annaïc, autre fleur
Qui croît sur un roc en Bretagne.

L’enfant à faim, la mer mugit... Annaïc chante!
Ses cheveux dénoués la vétissent de noir.
Je regarde Annaïc, les vieux murs du manoir, L’orage... et tout cela m’enchante !

La misère est la vie, en ces lieux ; mais les chants,
Mais la joie et la paix prennent ici naissance. Ah ! la joie et la paix, filles de l’innocence, Sont, comme Annaïc, fleurs des champs.

Ô pauvres de Kersaint, n’enviez pas nos rêves !
Ni l’or, dur oreiller où l’homme ne dort pas !
Ni le trône, cratère où s’abiment nos pas ! Vivez tous libres sur vos grèves !

Vivez dans la nature ; admirez le ciel bleu ! Nous sommes tous égaux dans la même espérance ;
Mais les humbles, vivant en bas dans l’ignorance,
Sont là-haut les élus de Dieu !

Léocadie Penquer

Révélations poétiques, 1865
 
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