Poème La mort et quatre poignées.

Un cimetière plein de bons vivants
Et un p’tit nouveau, mort de rire évidement…
Les fossoyeurs le pose à sa place
Entre les dents de la nuit
Qui grimace aux passants,
C’est bien vite minuit
Il ne leur faut pas longtemps
Pour virer les planches et le marbre
Sortir de la terre
Trouver un bar pour défunts
En plein bal fantôme
Et se mettre à parler du bon temps
Il y en a quand même un pour faire la gueule
Au bout du comptoir
Comme chez les vivants
Alors le cardiaque demande à la noyée
« Il a quoi celui-là, on dirait un mort vivant »
-Ah lui, c’est le suicidé qui s’est manqué.
-Qu’est-ce qu’il fout là, s’il s’est loupé ?
-Il s’est tué en venant. Renversé par le miraculé du carambolage.
-En venant où ?
-A notre soirée de bon vivant.
-Mais il n’est jamais content !
-Non, et il ne me croit pas quand je lui dis que je me suis noyée.
-Et il ne t’a pas vu flotter ?
-Non, et il ne croit pas non plus à ta crise cardiaque.
-Il est fort, celui-là. Il croit peut-être que je me suis électrocuté !
-Non…il croit qu’on est toujours vivant !
-Mais ce n’est pas parce qu’il a raté son suicide qu’on n’est pas mort pour de bon !
-C’est un jaloux.
-Et qu’est-ce qu’il fait dans la vie ?
-Il est croyant.
-A part ça ?
-Il vendait des suçons.
-A qui ?
-A des coups du lapin.
-Pas con.
-ça le rendait triste.
-Au point de terminer par une pendaison.
-et de la rater.
-tu danses ?
-Bien sûr. C’est ma chanson préférée.
-Je te ferais un suçon !
-chaud lapin.
-Seau à glaçons.
Et sur la colline glisse des manches de brume tandis que la lune se roule à poil au milieu des feuilles mortes aux premières lueurs de l’aube formant une chemise de nuit déchiquetée par un petit vent à peine plus gros qu’un soupir.
Sinon ?
Je prends la vie du bon côté en espérant qu’elle finisse par tenir à moi…