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Musique L'air de la Reine de la nuit

EricB

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#1
Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » est un air de l'opéra La Flûte enchantée de Mozart chanté au second acte par la Reine de la nuit en présence de sa fille Pamina. Culminant au contre-fa , il est considéré comme l'un des airs les plus virtuoses de l'art lyrique et requiert une soprano dramatique vocalisant avec aisance.

Cette « exécution » soulève une question. La Reine de la Nuit est le seul personnage de mère du théâtre mozartien qui ait une telle présence, une telle prégnance ; mais c’est surtout le seul dont le destin est d’être éliminé. Cette liquidation programmée d’une figure maternelle — de ce grand soprano héroïque — ne peut-elle — musicalement — s’effectuer, selon Mozart, que par une musique violente, terrible, terriblement belle, une musique de la déchirure ? Est-ce seulement de cette manière magnifique, « héroïque », qu’il est envisageable, possible, de supprimer la voix souveraine de la Mère, d’en faire son deuil ? Faut-il magnifier le chant maternel, le rendre proprement surhumain pour mieux s’en défaire ? Pamina, aux côtés de l’époux, entre en gloire dans le Temple de Sarastro. Elle a séché ses larmes ; oublié déjà la voix de son enfance, de sa jeunesse ; les rayons du Soleil chassent la Nuit. Tout est en ordre.

Allegro assai, ré mineur — tonalité d’exception chez Mozart — ni introduction orchestrale, ni récitatif. Une envolée immédiate de la voix soutenue par un orchestre somptueux et, à nouveau, les fulgurantes vocalises ; long ruban souple qui se rompt soudain puis se reforme en broderies de notes piquées, staccato, dentelle rigide trouée d’infimes silences ; une montée vertigineuse jusqu’au suraigu de la tessiture, à la limite une fois encore du cri. La douleur s’exaspère ici en fureur folle, noire comme la nuit éternelle où, bientôt, le chant délirant de la mère s’abîmera. L’appel au meurtre est l’arme suprême ; retournée non pas contre la fille, mais contre elle-même et le poignard, ultime cadeau maternel, deviendra, un peu plus tard, l’instrument de l’épreuve pour Pamina. La grande voix de soprano résonne, tragique, magnifique…

Wolfgang à son père :

(…) la première (lettre) m’a tiré des larmes de douleur — parce qu’elle m’a rappelé le triste décès de ma bienheureuse mère — et qu’elle ravivait des moments que je n’oublierai jamais plus. Vous savez que je n’avais, de ma vie, jamais vu mourir personne (bien que je l’aie souhaité) — et ma mère devait être la première (…) Dieu soit loué, je suis tout à fait frais et dispos. J’ai simplement parfois comme des crises de mélancolie.

Du côté de l’interprète, l’épreuve n’est pas moins redoutable car ces vocalises sont d’une difficulté technique folle ; on dirait que Mozart multiplie comme à plaisir les pièges sous les pas de sa cantatrice ; cet air demande un énorme soutien, donc la maîtrise parfaite du souffle, un registre étendu, une grande souplesse de la voix, une extrême légèreté pour atteindre les suraigus et en même temps une certaine puissance du son. Un chant impossible puisqu’il faut concilier les contraires : pesanteur et légèreté, densité et transparence, l’improbable rencontre de la terre et du ciel.

Aucun compositeur au monde n'a atteint ce sublime de la voix chantée, cette puissance qui étourdie l'âme des auditeurs.
On ose imaginer la surprise des viennois devant ce petit théâtre de Shikaneder envoûté par un petit homme maladif porté par un génie créateur hallucinant !

Sabine Devielhe nous offre, à mon sens, la plus incroyable interprétation de cette Reine de la nuit, non seulement par sa virtuosité vocale mais aussi par la concision de son allemand.
Souvent, les sopranos, arrivant aux limites du souffle, perdent en élocution afin d'aller au bout de l'aria.
Si Mozart l'écoutait de là haut, il aurait sûrement chuchoté aux anges, comme autrefois à sa femme Constanze, sur son lit de mort (le 4 décembre 1791) :

« Silence, silence ! Hofer est en train de prendre son contre-fa ; maintenant ma belle-sœur est en train de chanter sa seconde aria, Der Hölle Rache ; comme elle attaque et comme elle tient fermement son si bémol : “Hört ! Hört ! Hört ! der Mutter Schwur !”»

 

Peniculo

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#2
Excellent exposé ,cette musique est sublime et les voix capables de la restituer sans l'ombre d'un défaut sont rares.

J'ai essayé de le chanter en me rasant le matin, j'y ai renoncé je me coupais trop!!! (vision humoristique de la chose)
 

EricB

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#3
Excellent exposé ,cette musique est sublime et les voix capables de la restituer sans l'ombre d'un défaut sont rares.

J'ai essayé de le chanter en me rasant le matin, j'y ai renoncé je me coupais trop!!! (vision humoristique de la chose)
😄🤣🤣
La musique du barbier de Séville serait plus adaptée 🤣🤣🤣
 
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