Hors ligne
Figurehead by Elisabetta Trevisan
Je suis veilleuse à la proue d’une barque de verre.
Je laboure l’onde qui ne dort jamais.
Les griffes du noroît ne me blessent guère
tandis que je prie le rosaire des funestes nuages
qui m’enrivagent à tous les cieux.
Ma course exileuse doit me mener toujours
au-delà de l’obscur, à l’entrée du hors-monde,
loin des grondants chiens de mer.
On dit que j’ai mille lèvres pour mille suppliques
aux archanges qui se détournent à ma vue.
J’implore leur pardon sous la rage des tempêtes.
Ma souffrance a la splendeur d’une brise docile
soudainement grandie en orage.
Je trône à la pointe des crocs de la vague,
de son humeur capricante et scélérate,
pour tenir en respect les démons redoutables
surgis des enfers du sépulcre mouvant.
Je suis veilleuse à la proue d’un esquif
auquel même les étoiles mentent,
le déroutant des voies plus apaisées.
Jetée en pâture à l’océan rudoyeur,
je scrute d'un oeil propitiatoire toute l'immensité.
Mon peu de vivre est dans la seule écume tendre
qui s’échappe des flots fulminants
et meurt sur la grève de mes hanches de bois.