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Poème d'amour Un quai de gare à Toulouse

Thierry Cabot

Poète confirmé
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23 Juillet 2019
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#1
"La Blessure des Mots"
1 Sous-titre : Le temps
Poème 3

Un quai de gare à Toulouse

Sur le quai fauve et noir empli de moiteurs sales,
Les âges se défont au rythme aigu des trains…
Voici longtemps. Peut-être en mai. Comme en rafales,
Des houles de joie ivre incendiaient mes reins.

J'avais les yeux ravis et comblés de l'enfance.
La magie à ma lèvre, où fusait le bonheur,
Inondait le ciel chaud d'un rêve sans défense
Plus naïvement clair que l'envol d'une fleur.

La gare en fièvre s'agitait à perdre haleine ;
Le vent soûl balayait le matin finissant ;
Et tout à coup je vis, dans un souffle de laine,
Sourire jusqu'à moi ton pas resplendissant.

Mes bras tendus, au point de soulever le monde,
Capturèrent le baume ailé de tes cheveux
Alors que, titubante au bout d'un soir immonde,
Une vieille passait, les doigts fous et nerveux.

Nous étions le miroir béni de toute chose ;
Les chatoiements de l'heure embellissaient nos mains.
Irréelle et chantant, la fière ville rose
Alignait ses toits purs et ses féconds chemins.

Ô couple aveugle au temps dont saigne l'ombre infâme !
Ta jeunesse coulait en lumineux accords
Et nul regard ne vint arracher cette femme
Au néant qui bientôt lui mangerait le corps…

Le même quai… plus tard, sans que tu me revoies.
Déjà, rien que l'infime écume d'un grand jour,
À peine un blanc fantôme errant le long des voies
Tandis que, chargé d'ans, je titube à mon tour.

Ton image, noyée au fond de l'amertume,
Est une eau pâle et trouble égarée en mes yeux,
Un murmure de soie enfoui sous la brume,
Une âme frissonnante au bord de vagues cieux.

Et le limon obscur des mois et des années
A glacé mon visage et fendillé mon cou ;
Si parfois j'ai bu tant d'espérances bien nées,
J'ai vingt fois du destin essuyé le vil coup.

Or là comme jadis, la foule bourdonnante
Gronde avec l'appétit d'un long fleuve qui croît ;
Comme jadis, au loin, charmeuse et fascinante,
Toulouse rit toujours dans le beau soleil roi.

Affaibli par cent maux où l'enfer se dessine,
Je longe le vieux quai plein de moites relents,
Quand devant moi soudain – ô brûlure assassine ! –,
Pareil au nôtre, un couple unit ses vœux tremblants.

Il ne me connaît pas. Les trains vont, à la file.
Une brise d'amour me flagelle et me mord.
Et vaincu, las de tout, pauvre chose débile,
Je m'abats sur le sol en épousant la mort.
 
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#3
"La Blessure des Mots"
1 Sous-titre : Le temps
Poème 3

Un quai de gare à Toulouse

Sur le quai fauve et noir empli de moiteurs sales,
Les âges se défont au rythme aigu des trains…
Voici longtemps. Peut-être en mai. Comme en rafales,
Des houles de joie ivre incendiaient mes reins.

J'avais les yeux ravis et comblés de l'enfance.
La magie à ma lèvre, où fusait le bonheur,
Inondait le ciel chaud d'un rêve sans défense
Plus naïvement clair que l'envol d'une fleur.

La gare en fièvre s'agitait à perdre haleine ;
Le vent soûl balayait le matin finissant ;
Et tout à coup je vis, dans un souffle de laine,
Sourire jusqu'à moi ton pas resplendissant.

Mes bras tendus, au point de soulever le monde,
Capturèrent le baume ailé de tes cheveux
Alors que, titubante au bout d'un soir immonde,
Une vieille passait, les doigts fous et nerveux.

Nous étions le miroir béni de toute chose ;
Les chatoiements de l'heure embellissaient nos mains.
Irréelle et chantant, la fière ville rose
Alignait ses toits purs et ses féconds chemins.

Ô couple aveugle au temps dont saigne l'ombre infâme !
Ta jeunesse coulait en lumineux accords
Et nul regard ne vint arracher cette femme
Au néant qui bientôt lui mangerait le corps…

Le même quai… plus tard, sans que tu me revoies.
Déjà, rien que l'infime écume d'un grand jour,
À peine un blanc fantôme errant le long des voies
Tandis que, chargé d'ans, je titube à mon tour.

Ton image, noyée au fond de l'amertume,
Est une eau pâle et trouble égarée en mes yeux,
Un murmure de soie enfoui sous la brume,
Une âme frissonnante au bord de vagues cieux.

Et le limon obscur des mois et des années
A glacé mon visage et fendillé mon cou ;
Si parfois j'ai bu tant d'espérances bien nées,
J'ai vingt fois du destin essuyé le vil coup.

Or là comme jadis, la foule bourdonnante
Gronde avec l'appétit d'un long fleuve qui croît ;
Comme jadis, au loin, charmeuse et fascinante,
Toulouse rit toujours dans le beau soleil roi.

Affaibli par cent maux où l'enfer se dessine,
Je longe le vieux quai plein de moites relents,
Quand devant moi soudain – ô brûlure assassine ! –,
Pareil au nôtre, un couple unit ses vœux tremblants.

Il ne me connaît pas. Les trains vont, à la file.
Une brise d'amour me flagelle et me mord.
Et vaincu, las de tout, pauvre chose débile,
Je m'abats sur le sol en épousant la mort.
j'ai apprécié ce vraiment beau partage
Merci Thierry
Amicalement
Gaby
 

Thierry Cabot

Poète confirmé
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#4
Merci à tous !
Allez savoir pourquoi, la vue d’un quai de gare m’a toujours inspiré un sentiment d’exaltation mêlé de mélancolie.
Il m’a semblé bien des fois que c’était le lieu idéal pour exprimer l’acuité du temps qui passe.
 

Kanth

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10 Avril 2020
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#7
Beaucoup de sensibilité dans ce texte très travaillé ! Ce poème renouvelle le thème classique du quai de gare, lieu de toutes les émotions. J'ai beaucoup aimé comme vous mêlez des instantanés de vie, des moments fugitifs décrits avec finesse, avec un regard sur le destin à long terme de tous les personnages, de nous même, lorsque nous avons ainsi été sur un quai identique. La vieillesse et la mort sont là, comme l'était l'éclatant bonheur de la passion dans toute sa jeunesse. Un très plaisant moment de lecture, magnifié par la beauté formelle. Bravo.
 
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