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Le vernissage
Soirée vernissage, bulles de champagne, petits fours et pas lents. Murmures de phrases trempées dans des lotions capiteuses, rires échappés d’une hystérique accrochée à une coupette-pompette, j’observais ce monde aux murs blancs, tachetés d’œuvres d’art…
Et puis, seule, plantée devant un tableau qui ne me parlait pas, j’essayais de comprendre ce qu’il tentait de dire. L’homme s’avança vers moi pour ne plus me quitter. Il était là depuis près d’une demi-heure à me débiter des phrases qui semblaient épuiser son souffle sans jamais le tarir. Je regardais ma montre avec ostentation. Comme il se parlait à lui-même, il ne remarqua pas cette muflerie. J’aurais d'ailleurs pu le laisser là avec son gargarisme de mots effervescents sans qu’il puisse même s’en apercevoir.
L’objet principal de la discussion ne tournait pas autour du tableau, ni autour de lui, non. L’unique sujet c’était lui. Son travail prenant, à responsabilités écrasantes, sa voiture 10 chevaux diesel à vitres teintés, argent iridium métal, sa maison meulière sur trois étages, dressée au milieu d'un parc florale absolument divin, sa merveilleuse épouse courageuse et inoxydable, ses quatre enfants vifs, intelligents, évidemment surdoués comme leur père, imaginatifs comme leur mère et promis à un brillant avenir, son lévrier afghan, bête à concours… Tout avait été passé au crible du monologue sans qu’il se soit inquiété le moins du monde de qui pouvait bien être la récipiendaire de sa litanie d’autosatisfaction dégoulinante.
C’était la première fois que je rencontrais ce personnage haussé sur lui-même qui semblait ne craindre aucun vertige. Je l’avais sur les bras comme s’il avait épuisé tous les visiteurs alentours.
Je savais tout de lui, il ignorait jusqu'à la couleur de mon manteau rouge flambant neuf, seul entre nous restait muet le tableau qui, lui, ne me parlait toujours pas.
Z. ;-)
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