Poème Les Hébétés

Les Hébétés


Fourbus, les bras mités de vertes ecchymoses,
Sur un bout de trottoir amoncelé d’ennui,
Ils geignent aux passants, gueule et prunelles closes,
Avant d’aller croupir au fond d’un vieux réduit…

A peine ont-ils vécu la douce adolescence,
Jeunes loups au sang fier prêts à dompter le temps,
Que la drogue a sur eux vomi sa déchéance
Où le saint aiguillon courbe un dos pénitent !

Pour ces impétueux, le monde est bien trop sage ;
L’extase évanouit la fange et le limon…
Mais quand, redescendus de leurs beaux pâturages,
Le trident des douleurs les afflige, ô ! Démon,

Ils supplient jusque terre à ces êtres immondes,
Dealers des bas quartiers ou dandys béotiens,
Dont la «neige» est le prix d’une rage inféconde :
Elever un négoce au banc des lycéens…

Si vous croisez un jour ce navire en naufrage,
Spectre déguenillé sans regard et sans cri,
Ne baissez pas les yeux comme on fuit le courage :
C’est un être vivant qui meurt au fond de lui !…
28 novembre1994

Très joliment écrit, cher EricB !