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Poème MATRICULE B.R 19081919BUCHENWALD

loulette

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#1
matricule B.R19081919buchenwald



IL était jeune en ce temps là
Imprégné de rêves,d'envies,je crois..
Parcourant longuement le Jura
La nuit,souvent caché dans le bois.

Tickets de rationnement en poche
Il distribuait à tous ses proches
de quoi manger,vivre,survivre,
En ce temps de guerre si pénible

Marcher la peur au ventre,
Tomber sous les balles ennemies
Qu'importe il faut défendre
avant tout son cher pays;

Après l'agonie de ses amis
La mort de tous ses copains
On pleure encore Jean Moulin
France à la dérive,aux mains des assassins!

Prisonnier des camps d'extermination
Trempé du sang de ses compagnons,
Enfournant ses espoirs dans les crématoires
IL est rentré anéanti, brisé,sans gloire

Te dirai-je si longtemps après
Combien de toi ,je suis fière,
Il est loin ce temps de guerre
Merci papa ,d'être mon Père

G.P 2012
 

astree84

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#2
c'est avec tristesse que j'ai lu ce si beau poème, il y a si longtemps, j'ai connu cette guerre, mon grand-père opposant politique de Hitler est mort dans ce même camp, il s'était réfugié en France, et a été arrêté lorsque les envahisseurs sont arrivés, oh oui vous pouvez être fier de votre papa, il ne faut jamais oublier toutes ces personnes dont beaucoup ont perdu la vie, qui se sont battues pour la liberté, notre liberté.
Emie
 

Larsen

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#3
Bonsoir Loulette,
Je salue ton poème à la mémoire de ton Père, qui participe à ce Devoir de mémoire dont les descendants et la famille ont hérité, pour perpétuer le courage, l'abnégation, et le manque de reconnaissance qui parfois a laissé revenir les prisonniers dans l'anonymat...
Le mien est rentré plus d'un an après la libération de Paris !
Beaucoup n'ont plus parlé de cela, et les cellules psychologiques n'existaient pas pour évacuer le traumatisme subi.

J'ai toujours en mémoire ce discours d'André Malraux, en décembre 1964, à l'occasion du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon... il me donne toujours le frisson.

Attention, néanmoins, les images sont parfois très dures.
Merci d'avoir eu ce courage, car j'ai aussi écrit, mais ayant cherché récemment dans les archives de la Croix Rouge pour reconstituer le parcours, je suis encore sous le choc.

Amitiés

 

loulette

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#4
Jean Moulin était le chef du groupe de résistants dont mon père faisait parti;Mon père est rentré dans la résistance en août 1942 ;Il a été arrété le 16 avril 1944 ,il a été interné et torturé , a Montluc,puis Compiègne,puis déporté a Buchenwald,pour passer successivement au Kommando d'Ellrich,puis de Gunzerode;Libéré fin 1945 ,il a pu regagné Metz ,d'ou il était natif pour reprendre son emploi dans la police;; Mon père est DCD en 1991 .Inutile de vous dire que mes frères et moi même, avons été éduqués dans "l'amour de notre pays"..Pour moi, ça a toujours été un "grand homme".J'ai toujours été fière d'avoir pour père cet homme là!Merci a vous de vos gentils commentaires!
 

loulette

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#5
Bonsoir Loulette,
Je salue ton poème à la mémoire de ton Père, qui participe à ce Devoir de mémoire dont les descendants et la famille ont hérité, pour perpétuer le courage, l'abnégation, et le manque de reconnaissance qui parfois a laissé revenir les prisonniers dans l'anonymat...
Le mien est rentré plus d'un an après la libération de Paris !
Beaucoup n'ont plus parlé de cela, et les cellules psychologiques n'existaient pas pour évacuer le traumatisme subi.

J'ai toujours en mémoire ce discours d'André Malraux, en décembre 1964, à l'occasion du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon... il me donne toujours le frisson.

Attention, néanmoins, les images sont parfois très dures.
Merci d'avoir eu ce courage, car j'ai aussi écrit, mais ayant cherché récemment dans les archives de la Croix Rouge pour reconstituer le parcours, je suis encore sous le choc.

Amitiés

Combien de fois ai-je entendu, religieusement, ce texte.....Mon père avait un tas de documents,papiers,et surtout,un tas de dessins, dessinés par des déportés avec des morceaux d'os brulés,représentant les scènes de la vie a Buchewald , sur des feuilles de papier cigarettes;Toutes ses décorations, les vestiges de cette époque,j'ai tout donné au musée de la déportation à Metz,d'ou nous sommes natifs....ET POUR LES GENERATIONS A VENIR....J'AI ECRIT UN PETIT LIVRE SUR CETTE PERIODE LA..... AFIN QU'ENFANTS....PETITS ENFANTS.... NEVEUX ET NIECES.......SACHENT....ET SURTOUT N'OUBLIENT PAS!
 
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#6
Après ces écrits et commentaires je ne rajouterai rien.
Étant une fille de "boche" d'un père prisonnier allemand.
Je n'adhère pas à toutes ces horreurs et je salue le courage de tous ces hommes qui se sont battus pour sauver la France, notre France
 

loulette

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#7
Après ces écrits et commentaires je ne rajouterai rien.
Étant une fille de "boche" d'un père prisonnier allemand.
Je n'adhère pas à toutes ces horreurs et je salue le courage de tous ces hommes qui se sont battus pour sauver la France, notre France
C'était une période difficile,mon père en parlait rarement!Les femmes étaient considérées comme du bétail,ceci explique peut être celà!:cry:
 

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#8
Bonjour
un très bel hommage et aussi un témoignage.
il faut bien les deux pour ne jamais oublier cette période de l'histoire ou des "inhumains" ont mis en place
l'industrialisation de la mort.
Pour toutes ces victimes combien de complices muets , infimes rouages qui ont permis à cette machine infernale de fonctionner ?
Je suis très ému ...
a bientôt
 

Larsen

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#9
Chère Loulette,
si tu étais sur JePo en 2008, je me souviens de poèmes forts sur ces tragédies, qu'il faut rappeler sans ranimer les querelles.
J'y reviendrai aussi, pour le 28 avril = Journée nationale du souvenir de la déportation.
Matricule 78536 Block 16 Flugel B Kommando NZA Wald SACHSENHAUSEN-ORANIENBURG

Les derniers témoins directes s'éteignent jour après jour RIP
Il faut voir les musées, le mémorial de Caen... :cry:

Amitiés
 

Larsen

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#10
Pardon Loulette, je ne sais si je déborde ta publication, mais j'ai l'impression de la souligner, car j'ai retrouvé ce texte de HLLiberte-Nausica, publié en un temps que les moins de 10 ans ne peuvent pas connaître...

Il a été signé par tous les vrais Poètes de l'époque ! (y)
S'ils nous lisent, je les salue bien affectueusement :)

"Au bout du quai
8/1/2009

Vertiges de mon âme
Dans ces puits insondables
Chaque lune accrochée
A mes ciels chimériques
Me rapproche du jour
De ma libération



Auschwitz, février 1945. Le bruit régulier du train, inciterait à sombrer dans un profond sommeil. Pourtant, après ces nuits de veille, je ne veux pas dormir. Par la fenêtre, le monde vivant défile devant moi, mais quand on revient du royaume des morts, en faire partie est un rêve inutile.

Il y a une semaine l’armée russe nous a libéré ; grande confusion, quelques tirs isolés, des cris, des chiens qui aboient et l’empreinte des chars dans la neige salie. Ceux qui sont partis sur les routes quelques jours auparavant, encadrés par les kapos, fuyant les bombardements alliés, sont sans doute morts à cette heure ci, pourrissant dans quelques basses fosses. Ma trop grande faiblesse et ma lassitude m’ont fait rester dans mon baraquement. Mon camp, mon tombeau furent ma résurrection.

Etoiles consumées
Par un venin féroce
Dans cette lourde attente
Le silence infernal
S’infiltre dans mes veines
Aurait-il survécu ?


Paris, février 1945. Je relis encore et encore le télégramme que l’on vient de m’apporter : « parent vivant, libération, retour Paris ». Le corps secoué de tremblements, je sens chaque larme qui contracte mon cœur comme autant de morsures. La plaie s’ouvre enfin, délivrant les sanglots trop longtemps retenus.
Dans la rue, quelques passants indifférents, accompagnent le bourdonnement de la ville.
Ici, la vie se prolonge sur les pavés éteints, suppurant sans relâche les traces de fusillades.
Chacun apprend à apprivoiser l’horreur, vécue ou croisée sur un bout de chaussée.
Paris ensanglantée… La terre se vide de ses cadavres.


Cette missive entre mes mains, si lourde d’incertitude, détourne l’horizon sous chacun de mes pas. Le trottoir n’est plus qu’un gouffre vertigineux dans lequel je tente de ne pas m’effondrer. Durant tout ce temps je te croyais mort.


Messager maudit
Des terres infâmantes
Ma bouche est muette
Et mon corps dévasté
Témoigner de l’Enfer
M’éloigne de la vie


Je revoie ce dernier voyage en train, il y trois ans, dans un wagon plombé. Nos corps glacés, nos yeux amplis d’effroi, mais ma farouche envie de vivre. A l’époque j’ignorais que mon salut me ferait côtoyer les confins de l’humanité, ces terres de désolation qui figent la mémoire et mutilent la foi en l’homme.
Pourtant, dans quelques heures j’arriverai Gare du Nord, à Paris. Mes mains tremblent, j’ai trop rêvé ton visage pour en conserver une image fidèle. Es tu encore vivante ? Seras tu là à espérer ? Si tu savais, je ne suis qu’un fantôme, affaibli, les yeux hagards, tatoué comme ces bêtes promises au sacrifice, qui vient hanter ta vie



Au plus loin de ma chair
Chaque vide s’achève
Et le tourment cruel
M’emportant vers ce quai
Sillonne mes élans


Sous les toits chargés de nuages, je revois le jour de ton arrestation.

A l’aube, dans les glaces de l’hiver, rue du Faubourg St-Denis.
Le jour se hissait lourdement au dessus des toitures. Le bruit d’un moteur, devant notre immeuble, accompagnait des éclats de voix autoritaires au travers de nos murs.
Au-delà de nos fenêtres, quelques rares témoins impassibles…
J’entends encore les hurlements de notre voisine, la porte du hall cédant sous les assauts rageurs, l’escalier résonnant du galop fou des miliciens.
Toi qui m’embrasse les mains, me murmurant de ne pas m’inquiéter tout en m’obligeant à entrer dans la cache exigüe, emménagée au fond de notre armoire.
Les cris se rapprochent…
Je me souviens de tout. La chaleur de tes bras, étreinte fugitive… Ton sourire crispé qui disparait de ma vue, lorsque tu refermes le panneau sur nos espoirs.
La peur et le froid qui déchirent ma poitrine, la sueur acide qui coule le long de mes épaules comme une traînée maléfique. L’obscurité qui m’avale et le silence qui roule à mes pieds.
Ils t’ont arraché à moi, mon amour…


Aujourd’hui tu me reviens et comme un oiseau blessé mon ciel tournoie au dessus de Paris.

Ma belle, mon tendre amour
En mon corps douloureux
Assailli de chagrin
Ton sourire fut pour moi
Ma promesse de vie



Dans le gémissement des freins sur l’acier mouillé, le train vient de s’immobiliser. A travers la vitre embuée, j’aperçois cet étrange ballet en ombres chinoises, d’une foule qui se presse, horde déferlante et bruyante comme une vague sombre. Je descends, figé devant cette effroyable bigarrure, ces effusions charnelles, ces rires et ces pleurs emmêlés, et ces regards perdus.
Je me sens presque étranger à ce bouleversement. Soudain, au bout du quai, je te vois. Comme une vierge pâle auréolée d’amour, ta silhouette qui flotte dans ce manteau trop grand, tes yeux brûlant des fièvres qui consument les âmes.
Tu avances vers moi, onde légère, à ta main agrippée comme une ombre perdue, un enfant déjà grand que je n’ai pas connu



La vie cogne mes tempes
Je sens le vent léger
Pour la première fois
Que ferons-nous mon tendre
Du bonheur à venir



Dans la foule, les quelques mètres qui me séparent de toi s’essoufflent au bout du monde.

Enfin, tu me fais face.
Le tumulte de la gare traverse nos paroles. Nous nous taisons.
Je lis dans ton regard ces souffrances silencieuses, ces plaines de l’enfer où la folie des hommes efface chaque rêve. Je lis dans ton regard chaque étoile sacrifiée.
Je découvre ton corps décharné, comme échappé du ventre de la terre.
Je cherche ton visage dans les traits du passé, je caresse tes joues, le pli de tes lèvres, tu me sembles si faible. Je sens l’odeur de mort, la poussière d’Auschwitz envahir mes poumons lorsque tu me serres contre toi.
Dans tes bras, j’écoute le chant de ton cœur d’homme libre, et je pleure….
Je pleure toutes ces nuits froissées par ton absence, serrant si fort les poings, que mes paumes gardent la marque de mon chagrin.


Notre fils, hésitant, se rapproche de toi et je vois un sourire irradier ton visage.
Autour de nous marche l’humanité tout entière.
Et pourtant à trois nous sommes déjà le monde.


Je t’aime"
 
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#12
Je ne dirai pas j'aimé suite à cette lecture très éprouvante.
Je suis très émue
Le Vercors à été le rentre de trop de tragédies : Vassieux en Vercors, la Chapelle en Vercors. .....
 

Moïse Wolff

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#14
J'ai été un des premiers à avoir lu cet hommage sans le commenter, il rappelle cruellement un passé qui a laissé son empreinte dans les esprits. Et dans le mien puisque j'ai en tant que Juif, perdu des proches qui furent déportés dans les camps de la mort. Mais il est primordial de souligner qu'il n'y a pas que les juifs qui ont été persécutés. Ce souvenir est ineffaçable et perdurera. C'est un bel hommage à la mémoire de votre père mais aussi pour toutes les autres victimes de cette guerre "voulue et orchestrée par les "riches familles" qui tiennent aujourd'hui toutes les banques (il fallait que je le dise c'est aussi là une preuve de courage) j'estime que ça n'est pas déplacé, j'apporte juste un éclairage nuancé. Votre père serait fier de vous pour l'hommage que vous lui faites et à travers lui pour les autres aussi.

Amitiés
Moïse
 
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loulette

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#16
Pardon Loulette, je ne sais si je déborde ta publication, mais j'ai l'impression de la souligner, car j'ai retrouvé ce texte de HLLiberte-Nausica, publié en un temps que les moins de 10 ans ne peuvent pas connaître...

Il a été signé par tous les vrais Poètes de l'époque ! (y)
S'ils nous lisent, je les salue bien affectueusement :)

"Au bout du quai
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Vertiges de mon âme
Dans ces puits insondables
Chaque lune accrochée
A mes ciels chimériques
Me rapproche du jour
De ma libération



Auschwitz, février 1945. Le bruit régulier du train, inciterait à sombrer dans un profond sommeil. Pourtant, après ces nuits de veille, je ne veux pas dormir. Par la fenêtre, le monde vivant défile devant moi, mais quand on revient du royaume des morts, en faire partie est un rêve inutile.

Il y a une semaine l’armée russe nous a libéré ; grande confusion, quelques tirs isolés, des cris, des chiens qui aboient et l’empreinte des chars dans la neige salie. Ceux qui sont partis sur les routes quelques jours auparavant, encadrés par les kapos, fuyant les bombardements alliés, sont sans doute morts à cette heure ci, pourrissant dans quelques basses fosses. Ma trop grande faiblesse et ma lassitude m’ont fait rester dans mon baraquement. Mon camp, mon tombeau furent ma résurrection.

Etoiles consumées
Par un venin féroce
Dans cette lourde attente
Le silence infernal
S’infiltre dans mes veines
Aurait-il survécu ?


Paris, février 1945. Je relis encore et encore le télégramme que l’on vient de m’apporter : « parent vivant, libération, retour Paris ». Le corps secoué de tremblements, je sens chaque larme qui contracte mon cœur comme autant de morsures. La plaie s’ouvre enfin, délivrant les sanglots trop longtemps retenus.
Dans la rue, quelques passants indifférents, accompagnent le bourdonnement de la ville.
Ici, la vie se prolonge sur les pavés éteints, suppurant sans relâche les traces de fusillades.
Chacun apprend à apprivoiser l’horreur, vécue ou croisée sur un bout de chaussée.
Paris ensanglantée… La terre se vide de ses cadavres.


Cette missive entre mes mains, si lourde d’incertitude, détourne l’horizon sous chacun de mes pas. Le trottoir n’est plus qu’un gouffre vertigineux dans lequel je tente de ne pas m’effondrer. Durant tout ce temps je te croyais mort.


Messager maudit
Des terres infâmantes
Ma bouche est muette
Et mon corps dévasté
Témoigner de l’Enfer
M’éloigne de la vie


Je revoie ce dernier voyage en train, il y trois ans, dans un wagon plombé. Nos corps glacés, nos yeux amplis d’effroi, mais ma farouche envie de vivre. A l’époque j’ignorais que mon salut me ferait côtoyer les confins de l’humanité, ces terres de désolation qui figent la mémoire et mutilent la foi en l’homme.
Pourtant, dans quelques heures j’arriverai Gare du Nord, à Paris. Mes mains tremblent, j’ai trop rêvé ton visage pour en conserver une image fidèle. Es tu encore vivante ? Seras tu là à espérer ? Si tu savais, je ne suis qu’un fantôme, affaibli, les yeux hagards, tatoué comme ces bêtes promises au sacrifice, qui vient hanter ta vie



Au plus loin de ma chair
Chaque vide s’achève
Et le tourment cruel
M’emportant vers ce quai
Sillonne mes élans


Sous les toits chargés de nuages, je revois le jour de ton arrestation.

A l’aube, dans les glaces de l’hiver, rue du Faubourg St-Denis.
Le jour se hissait lourdement au dessus des toitures. Le bruit d’un moteur, devant notre immeuble, accompagnait des éclats de voix autoritaires au travers de nos murs.
Au-delà de nos fenêtres, quelques rares témoins impassibles…
J’entends encore les hurlements de notre voisine, la porte du hall cédant sous les assauts rageurs, l’escalier résonnant du galop fou des miliciens.
Toi qui m’embrasse les mains, me murmurant de ne pas m’inquiéter tout en m’obligeant à entrer dans la cache exigüe, emménagée au fond de notre armoire.
Les cris se rapprochent…
Je me souviens de tout. La chaleur de tes bras, étreinte fugitive… Ton sourire crispé qui disparait de ma vue, lorsque tu refermes le panneau sur nos espoirs.
La peur et le froid qui déchirent ma poitrine, la sueur acide qui coule le long de mes épaules comme une traînée maléfique. L’obscurité qui m’avale et le silence qui roule à mes pieds.
Ils t’ont arraché à moi, mon amour…


Aujourd’hui tu me reviens et comme un oiseau blessé mon ciel tournoie au dessus de Paris.

Ma belle, mon tendre amour
En mon corps douloureux
Assailli de chagrin
Ton sourire fut pour moi
Ma promesse de vie



Dans le gémissement des freins sur l’acier mouillé, le train vient de s’immobiliser. A travers la vitre embuée, j’aperçois cet étrange ballet en ombres chinoises, d’une foule qui se presse, horde déferlante et bruyante comme une vague sombre. Je descends, figé devant cette effroyable bigarrure, ces effusions charnelles, ces rires et ces pleurs emmêlés, et ces regards perdus.
Je me sens presque étranger à ce bouleversement. Soudain, au bout du quai, je te vois. Comme une vierge pâle auréolée d’amour, ta silhouette qui flotte dans ce manteau trop grand, tes yeux brûlant des fièvres qui consument les âmes.
Tu avances vers moi, onde légère, à ta main agrippée comme une ombre perdue, un enfant déjà grand que je n’ai pas connu



La vie cogne mes tempes
Je sens le vent léger
Pour la première fois
Que ferons-nous mon tendre
Du bonheur à venir



Dans la foule, les quelques mètres qui me séparent de toi s’essoufflent au bout du monde.

Enfin, tu me fais face.
Le tumulte de la gare traverse nos paroles. Nous nous taisons.
Je lis dans ton regard ces souffrances silencieuses, ces plaines de l’enfer où la folie des hommes efface chaque rêve. Je lis dans ton regard chaque étoile sacrifiée.
Je découvre ton corps décharné, comme échappé du ventre de la terre.
Je cherche ton visage dans les traits du passé, je caresse tes joues, le pli de tes lèvres, tu me sembles si faible. Je sens l’odeur de mort, la poussière d’Auschwitz envahir mes poumons lorsque tu me serres contre toi.
Dans tes bras, j’écoute le chant de ton cœur d’homme libre, et je pleure….
Je pleure toutes ces nuits froissées par ton absence, serrant si fort les poings, que mes paumes gardent la marque de mon chagrin.


Notre fils, hésitant, se rapproche de toi et je vois un sourire irradier ton visage.
Autour de nous marche l’humanité tout entière.
Et pourtant à trois nous sommes déjà le monde.


Je t’aime"
Merci Larsen pour ce poème magnifique;je suis bouleversée en le lisant!;Je suis née en 1949...Après mes frères et surtout 5 ans après le retour de mon père;"Il" ne parlait jamais de cette période de sa vie,ils se retrouvait,chaque semaine avec des "amis de déportation",nous avons toujours vécus,nous, notre famille,et les amis de déportation;Ils étaient là a toutes les occasions,le soir les dimanches,en vacances;Enfants nous trouvions normal de les avoir toujours a proximité,et en grandissant,j'ai toujours été curieuse de ce mystère que nous ignorions;Le film "holocoste" m'aura permis d'obliger mon père à me considérer comme une "grande"je sentais qu'il y avait eu quelque chose d'important,et de douloureux;Et je sentais parfois maman, lassée de tout ce monde et ses souvenirs si particuliers;Elle était tellement traumatisée par l'absence de notre père,qu'elle était d'une tolérance incroyable;Rien n'était trop beau pour ces hommes, revenus de l'enfer;Elle etait l'amie de tous, et cette amitié a été reelle jusqu'à la fin de leurs vies!Mais un peu pesant parfois,pour une vie de famille!Mon père m'a raconté quelques bribes de cette absence,j'ai mis la main sur des bouquins,qui racontaient les supplices subis par les internés,comment ils en ressortaient;Et ça parlait aussi de Klauss Barbi qui avait interroger mon père a Lyon!J'ai regretté d'avoir fouiller dans ses souvenirs,longtemps j'ai été marquée par les images de ce bouquin,et j'ai mieux compris pourquoi il ne nous parlait jamais de cette période de sa vie!Je n'aurai jamais pensé que des hommes pouvaient faire subir de telles choses a d'autres hommes;MON PERE M'A RACONTE QUE ,QUAND ON LES OBLIGEAIT A BRULER LES MORTS;IL Y AVAIT PARFOIS UN SURVIVANT...ET QU'IL LE SORTAIT DU CHARNIER POUR L'EMMENER DANS LEUR BARAQUE ET LE SOIGNER, AVEC LES MOYENS DU BORD...Un jour,il nous a amener à la maison une de ces personnes!Rescapée du crématoire!Je comprends les liens qui pouvaient les unir!J'espère que cette barbarie ne se renouvelera jamais,Ni celle ci ni une autre!
 

loulette

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#17
Chère Loulette,
si tu étais sur JePo en 2008, je me souviens de poèmes forts sur ces tragédies, qu'il faut rappeler sans ranimer les querelles.
J'y reviendrai aussi, pour le 28 avril = Journée nationale du souvenir de la déportation.
Matricule 78536 Block 16 Flugel B Kommando NZA Wald SACHSENHAUSEN-ORANIENBURG

Les derniers témoins directes s'éteignent jour après jour RIP
Il faut voir les musées, le mémorial de Caen... :cry:

Amitiés
j'ai entendu parlé du camps de "SACHSO";......DUR!!!!!!
 

loulette

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#18
TON papa était un très grand patriote au sens fort du mot!!!

combien comme lui ont été extterminé dans ces horribles camps de la mort

dans le Jura.....il y avait un maquis important!!


bravo pour cet hommage


amitiés
RP
Il en était,et pour tout te dire, à l'époque, c'est le boucher du village ou il était qui l'a balancer a la gestapo!!!
 

Larsen

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#19
J'ai salué ton courage, car il faut OSER en parler librement, sachant qu'en les partageant, on apprend que certaines grandes douleurs sont restées muettes.... je te dirai comment finissent certaines, encore insupportables 60 ans après !

Amitiés
 

marinette

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#20
Je suis touchée par cet écrit !
Que de vies détruites...Il ne faut jamais oublier ce qui s'est passé et se remémorer le courage de ces hommes pour leur patrie.!
Tu peux être fière de ton papa !
Amicalement....
 

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