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Régine
C'est une femme heureuse, un être rare et tendre.
Elle aime la nature et les gens sans se prendre
La tête. Elle a le coeur au bout de tous ses doigts.
Quand elle tend la main, elle donne cent fois.
Sa force est un sourire où chaque ami s'abreuve:
A la voir nous aider dans la peine ou l'épreuve
Il semble que ses yeux nous disent: « Tout va bien »...
Et le chagrin s'apaise, et le printemps revient,
Celui du bonheur simple où son regard se pose,
Ce clin d'oeil expressif – comme une oeillade l'ose -
Qui vaut tous les discours et nous pousse à l'aimer.
Ne croyez pas que son désir soit de charmer:
Ses mots sont durs parfois, mais justes à l'encontre
De nos petits bobos à l'âme qu'on rencontre
Loin des misères nues et des grandes douleurs.
Patiente, elle sait distiller la couleur...
C'est une fille extra. Peu d'êtres lui ressemblent...
Je l'ai vu chantonner, quand nous étions ensemble,
Dans sa cuisine, un air délicat de l'été.
Et dire qu'elle est morte un matin de Juillet!...
Je ne la verrais plus entrer comme une abeille,
Ses deux bras enlacés autour d'une corbeille
De lavande et de miel, en nous disant: « Salut! »
Son pas dans la maison, je ne l'entendrai plus!
Hélas, tous ces instants du passé sont poussières.
Elle seule égayait de sa gaieté foncière
Notre existence. Et Dieu l'a reprise à jamais...
Je me souviens des mots d'esprit qu'elle acclamait,
Des fous-rires, des joies éclaboussées de vie.
Comme belle apparaît la voie qu'elle a suivie
Auprès d'un grand artiste éveillant sa candeur.
...Peut-être fallait-il, à présent, qu'elle meurt!...
Pourquoi si tôt? Pourquoi? Pour quel dessein? Quelle oeuvre?
La main du Créateur reprend et nous désoeuvre,
Et nous laisse impuissant comme un jouet brisé...
Les souvenirs sont des trésors si déguisés
Qu'ils ne remplaceront jamais une présence.
Dans ce trop court passage où nous l'avions, je pense
Qu'on ne s'imprègnait pas assez de tels moments,
De la chance inouïe à partager son temps,
Cet or plus précieux que tout celui des banques!
Faut-il que l'être cher s'enfuit pour qu'il nous manque?...
Nos âmes pourront-elles, un jour, se retrouver?
Un homme veut y croire, et prie à en crever!
Mais le chemin est long et la croix est bien lourde.
Celui des deux qui reste en trébuche, et la gourde
Que lui tend sa compagne à travers l'Au-delà
Est source de labeur au prix d'âpres combats.
Oui, Régine est vivante et nos chants en témoignent!
Je sentirai toujours sa main comme une poigne,
Si froide, me serrer vers ses yeux implorants,
Comme pour dire: « Adieu, mon ami de vingt ans »
C'est une fille extra. Quel être rare et tendre!
Son chemin ne peut pas se réduire à des cendres;
Il court par les vallées d'un monde sans malheurs
Où l'on chante et l'on rit cent fois parmi les fleurs,
Où le miel de l'amour se répand sans partage,
Comme un petit enfant qui nous tend son image
Et ne réclame rien qu'un baiser sur le front.
Ainsi Dieu nous accueille, à Lui nous nous offrons
Vétus de nos pensées, pâles et coutumières.
Mais l'astre de Régine était déjà lumière!...
