Hors ligne
Un jour que m’égarait la route j’entrevis,
Nue sous un ciel de plomb, sinistre et fantastique,
Une carcasse noire et rectangle sans vie
Que huit arches de fer surmontaient, squelettiques.
Figé dans la froidure épaisse de janvier,
Jonché de terre humide et de pans de grillage,
Un manège d’autos tamponneuses oublié
Pourrissait lentement, échoué dans le bocage.
Sur le plateau rouillé, trois voitures recrues,
Les sièges éventrés, les chromes arrachés,
Frappées d’indignité, gisaient là, incongrues,
Leurs longs phares brisés semblant des yeux crevés.
J’effleurai de mes doigts l’une de ces épaves
Souvenir éraflé du temps de l’innocence :
De juillets vaporeux d’enfance sans entrave,
De filles au goût d’été, songes d’adolescence.
Et je restai transi, touchant ce corps inerte,
Cherchant les vibrations des années de jeunesse.
Mais rien ne vibrait plus sur la piste déserte
Où la nuit s’affala, sans étoiles et sans liesse.